La présidente du Honduras, Xiomara Castro, a annoncé le 14 mars que son pays allait ouvrir des « relations officielles » avec la Chine. Cette décision devrait donner lieu à une rupture de ses relations diplomatiques avec Taïwan, la Chine revendiquant la souveraineté sur cet archipel. Les tensions se sont accrues ces dernières années entre la Chine et Taïwan.

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brief.me|PANORAMA
Taïwan
Un territoire sous la menace de la Chine
Mise à jour le 19 mars 2023

La présidente du Honduras, Xiomara Castro, a annoncé le 14 mars que son pays allait ouvrir des « relations officielles » avec la Chine. Cette décision devrait donner lieu à une rupture de ses relations diplomatiques avec Taïwan, la Chine revendiquant la souveraineté sur cet archipel. Les tensions se sont accrues ces dernières années entre la Chine et Taïwan.

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POURQUOI ÇA COMPTE ?
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Une relation conflictuelle avec la Chine continentale

L’île principale de Taïwan a appartenu à l’empire chinois de 1683 à 1895, date de sa colonisation par le Japon. Rendu à la République de Chine à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le territoire, qui se désigne toujours sous le nom de « République de Chine », est de nouveau séparé du reste de la Chine depuis 1949, au moment où est créée sur le continent la République populaire de Chine (RPC), un régime dirigé par le Parti communiste chinois. Depuis 1949, les autorités de la RPC n’ont cessé de revendiquer le territoire de Taïwan. En octobre 2022, le président chinois, Xi Jinping, a déclaré vouloir œuvrer à une « réunification pacifique » tout en ajoutant : « Nous ne promettrons jamais de renoncer à l’usage de la force. » Les dirigeants taïwanais, quant à eux, ne cherchent plus à « reconquérir le continent », comme ils l’affirmaient encore dans les années 1970, explique la chercheuse Valérie Niquet dans « Taïwan face à la Chine » (Éditions Tallandier). « Ils aspirent à voir reconnue leur légitimité et à préserver sans provocation un statu quo qui ne coupe pas les liens économiques avec Pékin », précise-t-elle.

Le soutien américain

En 1979, les États-Unis reconnaissent officiellement la République populaire de Chine et cessent du même coup de reconnaître Taïwan. Une loi adoptée la même année maintient cependant des relations avec le territoire. Depuis, les États-Unis fournissent des armes défensives à Taïwan, mais ne s’engagent pas à défendre le territoire en cas d’attaque de la part de l’armée chinoise. Les responsables politiques américains qualifient fréquemment la position de leur pays d’« ambiguïté stratégique ». Le président des États-Unis, Joe Biden, a toutefois rompu à plusieurs reprises avec cette position en déclarant que l’armée américaine interviendrait pour défendre Taïwan. En août 2022, la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants, l’une des deux chambres du Parlement des États-Unis, a suscité la réprobation du ministère chinois des Affaires étrangères, qui a estimé qu’elle sabotait « la paix et la stabilité » dans la région.

L’importance de Taïwan

Taïwan bénéficie d’un « bouclier de silicium », selon l’expression popularisée en 2001 par un livre du journaliste Craig Addison. Il y défendait l’idée que le rôle prédominant de Taïwan dans l’industrie des semi-conducteurs protégeait l’archipel contre une attaque chinoise. Les semi-conducteurs sont des matériaux utilisés pour la fabrication d’ordinateurs, de smartphones, de voitures ou encore de missiles balistiques. Leur production est concentrée entre un petit nombre d’entreprises appelées « fonderies ». La plus importante d’entre elles, la taïwanaise TSMC, représente plus de la moitié du marché mondial. Au total, les fonderies taïwanaises représentent près des deux tiers de ce marché. Les grandes entreprises technologiques dépendent donc de Taïwan pour leur approvisionnement, en particulier les multinationales américaines et chinoises.

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La résolution de la question de Taïwan est l’affaire du peuple chinois et c’est à lui de décider.

Xi Jinping
président de la République populaire de Chine
octobre 2022
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LES DATES À RETENIR
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1949
La scission entre deux Chine

La guerre civile qui opposait depuis 1927 les troupes communistes à celles du Kuomintang, un parti nationaliste, se termine en 1949 par la victoire des premiers. Le dirigeant du Kuomintang, Tchang Kaï-chek, transfère son gouvernement sur l’archipel de Taïwan, d’où il compte poursuivre le combat contre les communistes. Pendant plusieurs années, les autorités de Taïwan organisent des raids de commandos contre les zones côtières chinoises, des opérations d’espionnage et des lâchages de tracts de propagande en Chine continentale. Tchang Kaï-chek maintient à Taïwan un régime autoritaire à parti unique jusqu’à sa mort en 1975. Lui succédant, son fils mènera une politique de démocratisation des institutions à la fin des années 1980.

 
 
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1971
Taïwan perd son siège à l’ONU

Membre de l’ONU depuis 1945 sous le nom de République de Chine, Taïwan perd son siège en 1971 au profit de la République populaire de Chine, à l’issue d’un vote des États membres. « L’éviction de la République de Chine de l’ONU marque le début de l’isolement diplomatique » du territoire dans le monde, « la Chine ayant pour principe non négociable de n’établir des relations diplomatiques avec un autre État que si ce dernier rompt ses relations diplomatiques avec Taïwan », écrit la chercheuse Valérie Niquet dans « Taïwan face à la Chine ». Après son siège dans les organismes de l’ONU, Taïwan perdra au cours de la décennie sa représentation dans de nombreuses institutions internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, deux grands organismes financiers. Il deviendra néanmoins membre de l’Organisation mondiale du commerce en 2002, peu après la Chine, bénéficiant du fait que cette organisation n’exige pas que ses membres soient des États reconnus. À la demande de la Chine, Taïwan y est cependant présent sous le nom de « Taipei chinois », Taipei étant la capitale taïwanaise.

 
 
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2016
L’élection d’une « indépendantiste »

En janvier 2016, Tsai Ing-wen remporte l’élection présidentielle taïwanaise. Dirigeante d’un parti ayant longtemps milité pour l’indépendance de Taïwan, elle prône une politique de statu quo vis-à-vis de Pékin, pour que Taïwan continue de jouir de son indépendance sans jamais la proclamer et que la Chine ne l’attaque pas militairement. La nouvelle présidente refuse cependant de reconnaître le « consensus de 1992 », fruit d’une rencontre cette année-là entre les autorités taïwanaises et chinoises. Celles-ci s’étaient mises d’accord pour reconnaître qu’il n’y avait qu’« une seule Chine », sans pour autant s’entendre sur ce qu’impliquait cette affirmation pour leurs régimes respectifs. Ce consensus avait permis d’établir des contacts politiques réguliers entre Taïwan et la République populaire de Chine. L’élection de Tsai Ing-wen conduit la Chine à suspendre ses relations diplomatiques avec Taïwan. « La stratégie de pression chinoise, qu’elle soit économique, militaire ou diplomatique, est constante depuis l’élection de Tsai Ing-wen », observait le chercheur Antoine Bondaz dans Les Échos en 2022.

 
 
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2018
Une reconnaissance de plus en plus faible à l’étranger

En 2018, la République dominicaine, le Burkina Faso et le Salvador rompent leurs liens diplomatiques avec Taïwan au profit de la République populaire de Chine. D’autres pays suivront, jusqu’au Honduras en mars 2023, devenant le neuvième pays à changer d’alliance au détriment de Taïwan depuis l’élection de Tsai Ing-wen. Taïwan n’est désormais plus reconnu que par 13 États. Nombre d’entre eux sont des pays pauvres d’Océanie ou des Caraïbes. Pour s’assurer de leur soutien, Taïwan les aide financièrement, comme l’expliquait en 2019 le chercheur Alexandre Dayant dans une tribune sur le site de l’Iris, un centre de réflexion. La Chine parvient à prendre des soutiens à Taïwan en leur promettant également une assistance financière et des projets d’investissement.

 
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QUI SONT LES PRINCIPAUX
PROTAGONISTES ?
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Tsai Ing-wen
Présidente de Taïwan

Tsai Ing-wen est née en 1956 à Taïwan. Elle préside de 2000 à 2004 le Conseil des affaires continentales, qui régit les relations entre Taïwan et la Chine. Elle prend la direction du Parti démocrate progressiste (PDP), un parti d’orientation indépendantiste, en 2008 puis gagne l’élection présidentielle en 2016, devenant la première femme présidente de Taïwan. Son élection durcit les relations entre Taïwan et la Chine. Réélue en 2020 pour un second mandat, elle déclare fin 2022 vouloir utiliser les deux années qu’il lui reste à la présidence de Taïwan pour « renforcer la résilience » du territoire dans quatre domaines : l’économie et l’industrie, la protection sociale, le système de gouvernement libre et démocratique et la défense nationale.

Xi Jinping
Président de la République populaire de Chine

Xi Jinping est né en 1953 en République populaire de Chine. Il intègre en 2007 le comité permanent du Parti communiste chinois (PCC), une des plus hautes instances dirigeantes du parti. Il devient en 2012 secrétaire général du PCC, puis président de la République populaire de Chine quatre mois plus tard. En mars 2023, il est le premier président chinois à être élu pour un troisième mandat à l’issue d’un vote du Parlement chinois. Xi Jinping a promulgué en 2020 une loi mettant fin aux particularités démocratiques dont bénéficiait Hong Kong, une région administrative spéciale de la Chine. Cette décision a contribué à tendre les relations avec Taïwan alors qu’il proposait jusque-là à ce dernier une « réunification » sur la base du modèle hongkongais.

Audrey Tang
Ministre des Affaires numériques

Audrey Tang est née en 1981 à Taïwan. Programmeuse, elle participe à la création de la plateforme g0v en 2012 qui rend accessibles les ressources en ligne du gouvernement taïwanais. En 2016, elle entre au gouvernement où elle est chargée des questions numériques. En août 2022, elle devient ministre des Affaires numériques, un poste nouvellement créé, pour gérer, entre autres, les questions de cybersécurité. En 2021, le gouvernement taïwanais a recensé 5 millions de cyberattaques et intrusions numériques par jour sur le territoire, dont il attribue une grande partie à la Chine.

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Aujourd’hui, plus que jamais, la solidarité de l’Amérique avec Taïwan est cruciale.

Nancy Pelosi
présidente de la Chambre des représentants des États-Unis
août 2022
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CHIFFRES À L’APPUI
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35 500 dollars

Le PIB par habitant de Taïwan en 2022 était légèrement supérieur à 35 500 dollars, selon les estimations du FMI, un organisme chargé de garantir la stabilité financière mondiale. Cet indicateur rapporte la production totale de biens et de services à la population. Il permet d’évaluer le niveau de revenus de la population. Taïwan se situe ainsi à peu près au même niveau que le Japon et le Koweït. Par comparaison, le PIB par habitant de la République populaire de Chine en 2022 était légèrement inférieur à 13 000 dollars.

25 %

La République populaire de Chine (RPC) est un partenaire commercial important pour Taïwan. Elle est la première destination de ses exportations depuis le milieu des années 2000. En 2022, le quart des exportations taïwanaises ont été à destination de la RPC.

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POUR ALLER PLUS LOIN
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Une histoire mouvementée

Dans un épisode de l’émission d’Arte « Le Dessous des cartes », le chercheur Jean-Pierre Cabestan explique l’histoire des relations entre Taïwan et la République populaire de Chine.

C’était notre panorama sur Taïwan.
Rédaction
Nicolas Filio, Agathe Kupfer
Infographie
WeDoData
Design
Upian
Crédits photo
Couverture : Jason Huang (CC BY-NC 2.0, via Flickr). Protagonistes : Tsai Ing-wen, présidence taïwanaise ; Xi Jinping, ministère grec des Affaires étrangères ; Audrey Tang, Revista Poder Peru.
Mise à jour le 19 mars 2023
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