Le « soft power » de la Chine
| Les gouvernements américain et canadien ont annoncé lundi bannir l’application chinoise TikTok des appareils de leur personnel. Ils la soupçonnent de partager des données personnelles avec les services de renseignement chinois, ce qu’elle dément. Cette application participe au « soft power » de la Chine. Cette stratégie d’influence est particulièrement développée par l’État chinois depuis deux décennies. | | Le concept de « soft power » a été développé par l’Américain Joseph Nye, un politologue expert en relations internationales, en 1990, dans le contexte de la fin de la guerre froide. Dans un article paru dans la revue Foreign Policy, il explique que le « soft power » consiste, pour un pays, à obtenir d’un autre qu’il suive sa volonté sans l’y forcer, de manière non coercitive. Il se distingue du « hard power », qui caractérise les attributs traditionnels de la puissance comme la force militaire ou les sanctions économiques. La culture, les institutions ou l’idéologie sont des moyens d’exercer cette influence « douce », selon Joseph Nye. « Le “soft power” exercé par un pays à l’international a plusieurs finalités », explique à Brief.me Nashidil Rouiaï, maître de conférences à l’université de Bordeaux et docteure en géopolitique : « briller dans l’échiquier des nations », « construire des relations pacifiques avec ses voisins » ou encore « obtenir à terme des avantages commerciaux ». La Chine adopte officiellement le « soft power » comme principe politique en 2007, lors du 17e congrès du Parti communiste chinois (PCC). | | 
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2004
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La création des instituts Confucius
| Le premier institut Confucius est créé en 2004 à Séoul, en Corée du Sud. Ces instituts, qui portent le nom d’un philosophe chinois, sont créés par le PCC, sur le modèle des Alliances françaises ou des Instituts Goethe allemands, des organismes de promotion de la langue et de la culture d’un pays. « L’objectif premier des instituts Confucius est de faire rayonner la Chine, à travers sa langue, son patrimoine, sa culture, au-delà des frontières chinoises », explique Nashidil Rouiaï. Ils revêtent aussi des intérêts économiques et géopolitiques : « Quand on voit le maillage des instituts Confucius sur la planète, on observe que la Chine cherche à maximiser sa présence dans son premier cercle d’influence, en Asie centrale, poursuit-elle. L’objectif est aussi de réduire l’influence des nations historiquement influentes dans ces zones, comme la Russie. » Il y a actuellement 525 instituts Confucius dans le monde, dont 17 en France. Plusieurs dizaines ont fermé ces dernières années, en particulier aux États-Unis, dans un contexte d’importantes tensions commerciales entre les deux pays. |
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2008
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Les JO de Pékin
| Pékin, la capitale chinoise, accueille en août 2008 les Jeux olympiques d’été. Ce type d’événement sportif présente une « opportunité unique pour un pays d’atteindre une audience internationale et projeter une image particulière, positive et dynamique », explique la chercheuse Stéphanie Balme dans un ouvrage de 2013. « La cérémonie d’ouverture, magnifique mais martiale, des JO de Pékin traduit visiblement la volonté d’impressionner le monde », poursuit-elle. L’image prestigieuse que voulait renvoyer la Chine à cette occasion a été cependant ternie par la répression brutale, par le régime chinois, d’un soulèvement au Tibet, une région autonome du sud-ouest, avant les JO. Plusieurs ONG de défense des droits humains avaient appelé au boycott de ces JO. En 2022, la Chine exercera à nouveau son « soft power » en organisant les JO d’hiver. Pékin deviendra ainsi la première ville à accueillir des JO d’hiver et d’été. |
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2012
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L’influence médiatique chinoise en Afrique
| En janvier 2012, le réseau de télévision de l’État chinois CCTV installe une antenne africaine à Nairobi, la capitale du Kenya, baptisée CGTN Afrique. Les médias chinois s’implantent de plus en plus sur le continent africain depuis le début des années 2010, tels que CGTN Afrique, l’agence de presse officielle Xinhua et la radio RCI. Ces médias rappellent « régulièrement le passé colonial des partenaires traditionnels (France, Royaume-Uni) des pays africains », souligne la géographe Selma Mihoubi dans un article de La Revue des médias publié en 2021. Ils « font valoir que la Chine n’a, elle, jamais eu d’ambitions colonialistes et aide plutôt ses partenaires africains à se développer ». Les médias chinois peinent toutefois à concurrencer les médias internationaux européens (BBC, RFI, etc.), implantés depuis plus longtemps en Afrique, explique Selma Mihoubi dans une interview donnée en 2022 à la revue Conflits. |
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2013
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Les Nouvelles Routes de la soie
| En 2013, le président chinois, Xi Jinping, lance le projet des « Nouvelles Routes de la soie ». Ce dernier vise à mieux connecter la Chine à l’Europe et à l’Afrique à travers la construction d’infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications dans près de 70 pays [voir notre infographie]. Financés par des prêts de la Chine aux États partenaires, les travaux sont pour l’essentiel réalisés par des entreprises chinoises. Ces investissements ne sont pas toujours rentables pour la Chine, mais ils sont « utiles pour l’image du pays et pour son influence dans les pays concernés », estime Nashidil Rouiaï. Le nom des « Nouvelles Routes de la soie » fait appel à « l’image d’une Chine millénaire, qui plaît à tout le monde, autant aux pays périphériques qu’aux pays occidentaux », précise-t-elle. La géographe explique que dans les outils de « soft power » de la Chine, la communication gouvernementale tend à mettre de côté les éléments moins consensuels de l’histoire du pays, comme le socialisme. |
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LE SAVIEZ-VOUS ?
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Le cinéma au service du « soft power »
| L’industrie cinématographique chinoise est en plein essor depuis une vingtaine d’années, allant jusqu’à menacer la domination américaine historique sur ce marché. La Chine, « dont le gouvernement détient toujours un monopole d’État sur l’industrie cinématographique », cherche à « “normaliser” la culture chinoise pour asseoir son influence sur la scène internationale », explique l’École de guerre économique, un établissement d’enseignement supérieur français, dans une publication de novembre. « Tigre & Dragon », un film chinois sorti en 2000, est « le film en langue étrangère le plus rentable de l’histoire aux États-Unis », souligne-t-elle. |
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